La détérioration des conditions de vie de la paysannerie haïtienne

Depuis son entrée dans l’ère démocratique, la situation socio-économique d’Haïti ne fait que
s’aggraver. Ce pays de la Caraïbe, placé sous le chemin des cyclones, est victime des
catastrophes naturelles les unes les plus violentes que les autres, s’agit-il des cyclones de
catégories élevées, s’agit-il de tremblements de terre de fortes magnitudes, dont celui du 12
janvier 2010, le plus meurtrier de ce siècle, qui a causé la mort d’environ trois cents mille
(300.000) personnes à travers le territoire national, sans oublier celui d’août 2021, soit onze
(11) ans plus tard qui a sévèrement touché le grand Sud du pays. Ces catastrophes naturelles
laissent derrières elles des centaines de familles appauvries.
Si la nature nous est plus ou moins clémente en épargnant le pays des catastrophes à
incidences majeures au cours de ces deux (2) dernières années, les problèmes de gouvernance
politique et de sécurité, plongent la nation dans une situation de misère sans précédente.
Depuis juillet 2018, le pays vit dans une situation d’instabilité sociopolitique qui ne cesse de
s’aggraver de jour en jour. C’est dans ce contexte que le 58e président de la République a été
assassiné le 7 juillet 2021. Bien avant l’assassinat du président, le pays était déjà sous le
contrôle des gangs armés, les habitants du quartier de Martissant, à l’entrée Sud de la capitale
étaient contraints de laisser leurs domiciles afin de protéger leurs vies. Certaines de ces
personnes ont dû se réfugier dans d’autres zones de la capitale, d’autres ont dû regagner leurs
provinces de provenance. Au cours de ces deux (2) dernières années, la descente aux enfers ne
fait que continuer. C’est une bonne partie de la capitale ainsi que des communes périphériques
qui se trouvent sous le contrôle des groupes armés.
Selon les données communiquées par le Bureau des Nations unies pour la coordination des
affaires humanitaires en Haïti, en date du 31 août 2023, près de la moitié de la population
haïtienne a besoin d’une aide humanitaire et alimentaire. Selon les mêmes données, près de
200.000 personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers. Cette situation a provoqué une
pression sur le monde rural en terme de mouvement de population. Le plus grave, les déplacés
internes, en raison de la situation de violence qui sévit en Haïti, ont été jadis les pourvoyeurs de
leurs proches parents en milieu rural. Maintenant, les voici retrouvés à la campagne dépourvus
de toutes ressources financières et matérielles. Ils sont sous la dépendance des paysans qui
peinaient déjà à lier les deux bouts du fil.
Le coût de la vie ne cesse pas d’évoluer à la hausse. Plusieurs facteurs expliquent cette montée
vertigineuse du coût de la vie. D’abord, la décision du gouvernement haïtien d’augmenter les
prix des produits pétroliers à la pompe à plus de 100% du prix initial se répercute
automatiquement sur le coût des produits de première nécessité et de tous les autres produits
sur le marché haïtien. De plus, le contrôle des différents axes routiers par les groupes armés
engendre des coûts additionnels sur le prix des produits, car les transporteurs sont contraints

de payer de fortes sommes aux groupes armés occupant les différents axes routiers afin de
favoriser le passage de leurs marchandises. Le taux de change est également un autre facteur
non négligeable.
Au cours du mois de mars 2023, le taux d’inflation était à hauteur de 48% en glissement annuel.
En dépit du fait que le taux d’inflation ainsi que le taux d’échange a tendance à être revu à la
baisse au cours de ces derniers mois, les prix des produits de première nécessité n’ont pas
vraiment connu de baisse reflétant cette réalité. Au contraire, certains des produits de
première nécessité continuent d’enregistrer une hausse vertigineuse au niveau des prix.
S’il est vrai que le pays est exempt de grandes catastrophes naturelles au cours de ces deux (2)
dernières années, il est aussi vrai que les paysans ont perdu leurs récoltes en raison des
périodes de grande sécheresse. Ceci dit, les paysans n’ont pas pu tirer profit de l’exploitation
de leurs parcelles de terre. Ils ont donc besoin d’un accompagnement technique et matériel
afin de pouvoir se relever de leur marasme.
A travers une évaluation spécifique des besoins des populations rurales, déjà en situation de
précarité socio-économique et qui accueillent des familles déplacées fuyant la violence des
groupes armés, nous avons pu identifier ces différents besoins qui requièrent des interventions
ponctuelles:

  1. Amélioration de la Sécurité alimentaire : disponibilité et accessibilité d’un aliment
    diversifié pour tous
  2. Intervention au niveau de l’Agriculture : encadrement technique des paysans
  3. Appui à la Scolarisation: permettre aux enfants les plus défavorisés de fréquenter
    l’école et d’y rester
  4. Accès à l’Eau potable : mise en place des systèmes d’adduction en eau potable au profit
    des paysans
  5. Accès aux soins de Santé : mise en place des infrastructures sanitaires et des
    professionnels qualifiés à travers tous les échelons dans les zones rurales
  6. Amélioration des Logements : mise en place des projets pilotes de rénovation et de
    construction de logements dans les zones rurales et reculées du pays
  7. Création d’Emplois : exécution des travaux à haute intensité de main d’œuvre,
    infrastructures de base
  8. Besoins spécifiques des nouveaux arrivants et des familles d’accueil :
    accompagnement holistique des déplacés internes en vue de leur permettre de se
    redéfinir de nouveaux projets de vie et d’avoir de nouvelles perspectives.